L’éducation par l’attention

« Il n’y a pas de projet démocratique sans projet éducatif, tout à la fois familial et social. Si intime soit-elle, liée à l’amour irremplaçable qui unit parents et enfants, l’éducation reste l’entreprise publique majeure. »
Cynthia Fleury (dans Télérama, 26 août 2015)

L’éducation est l’un des domaines du soin par excellence, du moins devrait-il l’être. Eduquer, tout comme soigner, est au fondement du soin porté à l’autre, dans la sphère privée comme publique. Car éduquer ne se réduit certainement pas à la transmission mécanique de savoirs d’un sachant à un apprenant. Non seulement parce que cet exercice est presque rendu impossible dès lors que la relation entre ces deux parties n’est pas basée sur la confiance et la bienveillance ; mais aussi parce que le savoir et l’expérience sont toujours réciproques, échangés plus que prodigués, relationnels plus que transactionnels.

C’est précisément ce que l’anthropologue Tim Ingold met en lumière dans son ouvrage « L’anthropologie comme éducation » (2018) : l’éducation est basée sur une communication « véritable », c’est-à-dire sur la relation d’écoute mutuelle qui s’instaure entre deux entités, individuelles ou collectives. Cette communication n’a rien à voir avec le domaine trop souvent dévoyé de la communication, portée sur la diffusion d’un message unilatéral destiné à convaincre, pour vendre, faire adhérer, voire influencer ; ici, il s’agit bien d’une communication grâce à laquelle deux individualités entrent en relation, sans jugement, se rencontrent dans une attitude d’ouverture à l’autre.

L’éducation, c’est traditionnellement l’école, le collège, le lycée ou l’université. C’est aussi la famille (et donc la parentalité), l’entourage, l’environnement social élargi. Aujourd’hui, c’est aussi le monde du virtuel et du numérique, les biens culturels… Tous ces lieux sont à explorer, à travailler. Aussi pourrions-nous l’envisager de manière plus ouverte et inclusive à la fois, comme une expérience globale qui concernerait chaque génération, de la naissance à la mort, chaque culture, genre, catégorie sociale, toujours dans une perspective relationnelle. Et quel meilleur média que l’attention à l’autre, rendue possible grâce à un éveil de la curiosité et de la capacité à s’émerveiller ? Ici, la découverte par l’enquête, la rencontre rendue possible ont un rôle essentiel à jouer.